lundi 18 août 2008

Oumim,Toumim et la petite clé Grise



Cet apres-midi j'ai eu un client particulierement seduisant,habillé tres simplement d'un tee-shirt A& F blanc et d'un pantalon vert clair.



je l'ai regardé,il m' a regardé.



Heure creuse,donc clientèle deserte.Ma collegue en pause,donc je peux lui conter fleurette.

Du coin de mon guichet,j'admire les gestes precis et fluides lorsqu'il remplit son caddie de toutes sortes d'articles.Son posterieur rond comme une pomme. La trentaine,barbe de 3 jours,des yeux incroyables.

Il se retourne,je me detourne.



Heure creuse,je fais semblant d'etre fort occupé(meme si je n'ai absolument rien à faire).Au boulot,70% de notre clientèle est gaie.Au boulot,99% du personnel est hetero.



Il sait que je le regarde comme un homme regarde une femme.je ne jurerais pas qu'il me regarde comme une femme regarde un homme.



Par deux fois,il vient me parler .D'abord pour avoir des renseignements sur un produit, Ensuite pour que je lui trouve 2 articles dont il a besoin.

Par deux fois,la peur me tord les tripes et me broie les couilles dans l'etau de sa paume castatrice. Il me tend une perche,et moi je la casse.

15minutes plus tard, il s'eloigne vers un autre secteur. 5minutes plus tard c'est la fin de mon service.
Au moment de me changer, je me traite de tous les noms,et suis exasperé par ma propension à rester figé et indecis lorsqu'il faut justement se lancer à l'eau.
je me rends compte que je suis debout devant la porte metallique 4b des vestiaires hommes,les deux petites cléfs grises dans ma main.
c'est assez rare que je me sente aussi sauvagement attiré par un specimen clientèle ;excepté D et celui-dont-je-ne-connais-toujours-pas-le-prenom, je ne me suis jamais hasardé à montrer à la plante en question mon interet pour le sexe non-opposé.

Draguer ou ne pas draguer ?Telle est l'indecision.


Lorsque j'etais gosse(donc beau,svelte et tres innocent),j'avais l'habitude de recourir à un petit manège pour me debarasser de mon indecision face à une prise de position qui m'embarassait ; ou lorsque je voulais obtenir une reponse qui m'etait materiellement impossible d'avoir.



Par exemple,si j'avais 100 francs cefa en poche et que j'hesitais entre acheter 10 bonbons rouges ou acheter 4 berlingots au lait, le dilemme me prenait tant et si bien l'esprit que la memoire gustative de ma langue ne permettait presque jamais de departager les 2 friandises.



Dans pareil cas, je jouais simplement à pile ou face.

pile :bonbons rouges; face : berlingots au lait.



ces cas, les plus frequents, n'etaient pas mes preferés.



Mes problèmes insolubles preferés restaient ceux ou je n'avais pratiquement aucune chance ,du haut de mes 12 ans, de trouver la reponse par moi meme.

Et là, pour avoir une reponse j'utilisais la clé de la salle de bain.



Ce qu'il faut savoir, c'est qu' à cette epoque(1997) nous habitions le quartier Sotega à Libreville, il y avait des coupures de courant sans préavis assez frequentes et la serrure de la porte de la salle de bains fonctionnait une fois sur deux.



Donc,si vous vous trouviez dans la salle de bains au moment de la coupure de courant, vous aviez au moins une chance d'y demeurer enfermé tout le temps du black out, car il n'existait aucune technique particuliere pour ouvrir la porte à coup sur(comme il en existe en general pour les portes qui se bloquent).



Ce moment du black out, c'etait mon preferé. je ne l'attendais pas, je ne le desirais pas non plus mais lorsqu'il se presentait je courrais dans la salle de bains.



et là, dans l'obscurité la plus totale je fermais la porte à double tour.

j'attendais un moment,fermais les yeux en inspirant un bon coup puis je faisais le vide dans ma tete.

Comme tout etait eteint dans la maison et que les lampadaires de la rue etaient arrétés eux aussi,je me retrouvais donc toujours dans le noir le plus complet,incapable de distinguer mon nez de ma bouche.



Ma main gauche posée sur la poignée de la porte et ma main droite sur le bout de la clé à tourner,je posais alors ma question :



-Irais-je en Enfer ou au Paradis ? Si la porte s'ouvre du premier coup je vais au Paradis, sinon je vais en Enfer et je reste enfermé dans la salle de bains le temps que l'electricité revienne.



je n'avais droit qu'à un seul essai.



J'avais douze ans et je crois que quand je jouais à ce petit jeu, j'etais tellement convaincu de la necessité de ce que je faisais que rien d'autre n'existait pour moi à ces moments precis.

Rien d'autre sauf la petite clé grise dans la serrure marron , la petite clé qui d'une maniere magique me donnerait la reponse à mes questions existentielles.



Du fond de mes 12 saisons seches j'etais pronfondement convaincu que Quelque chose ou Quelqu'un devait forcement avoir Une reponse à toutes les questions, car il etait simplement inconcevable pour l'enfant que j'etais que certaines questions restent sans reponse .



Je n'etais pas croyant, ni pratiquant,nous avions toujours été plus ou moins athées voire animistes dans ma famille;je ne sais donc pas pour quoi ce manège etait important pour moi .



Et là, lorsque la porte s'ouvrait d'un coup,je sortais de cette prison obscure comme un lion liberé de sa cage,courant,sautant et gambadant vers un futur que je m'etais imaginé....


....11 ans plus tard je suis devant une serrure marron,encastrée dans une porte de vestiaire bleue.
Un instant, je suis tenté de refaire le rituel de mon enfance pour savoir si je dois oui ou non montrer à"Fitch Abercrombie"qu'il me plait ferocement.
2 problèmes :

- j'ai deux clés et non pas une ;
-Ma serrure marche très bien.

C'est alors que je me rends compte que l'age adulte est un age ingrat.Plus de reves ni d'inscouciance, pas d'echappatoire possible. Tu dois prendre une decision par toi meme.

je me deshabille,me change et me debarbouille en hate; traverse les couloirs en un temps record, rate l'ascenceur et descend en trombe les escaliers,je vais rattraper Fitch et lui dire nimporte quoi, nimporte quoi pourvu que je lui parle.

Lorsque j'arrive tout bas, il n' y a que des Vieilles Dames en Manteaux de fourrure.
Aucun Fitch à la ligne de Caisse,il a fini ses achats et s'est envolé.


Je deteste etre grand.

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